La nielle des blés, une plante messicole rare

Lorsque j’ai créé la catégorie «Plantes sauvages du bas de l’immeuble», j’avais un objectif : découvrir et vous faire découvrir des espèces végétales qui peuvent se trouver tout près de chez nous. Je suis du côté de Grenoble, et pour l’instant je sélectionne des plantes autour de moi. Alors, quelle surprise j’ai eu, quand j’ai observé cette fleur dont je vais vous parler aujourd’hui. Dans cet article, je vous emmène à la rencontre de la nielle des blés, une plante messicole rare. Protégée dans certaines régions, sa raréfaction a des explications que je vais m’empresser de vous raconter.

Qu’est-ce qu’une plante messicole ?

L’étymologie latine de messicole signifie « qui habite les moissons ». Plus précisément, les messicoles sont des adventices des moissons, c’est-à-dire qu’elles poussent dans des cultures sans y avoir été semées. Le développement de ces plantes dépend partiellement ou totalement des pratiques agricoles. Elles ne s’épanouissent que difficilement (ou pas du tout) en dehors des champs de céréales. Les messicoles sont souvent des indésirables : c’est le cas de la nielle. En effet, ses semences sont toxiques et contaminent les grains récoltés. On rapporte des cas d’empoisonnement avec du pain, fait de farine contenant des grains de nielle, dans les années 1800.¹

Pourquoi les messicoles sont devenues rares?

Les pratiques agricoles actuelles tendent à se débarrasser des messicoles, notamment pour des questions de rendement. En effet, les pesticides, le tri des semences, la modification du travail du sol permettent d’obtenir un champ sans adventice. Cela conduit inévitablement à la raréfaction des plantes messicoles qui avaient élu domicile dans ces mêmes cultures. Il est certain que vous connaissez déjà quelques-unes de ces plantes, comme le bleuet (Centaurea cyanus), le coquelicot (Papaver rhoeas), ou encore les adonis (Adonis microcarpa). Il est de plus en plus courant d’observer des champs de blé parsemés du beau rouge des coquelicots. Est-ce qu’ils reviendraient doucement dans nos paysages

Le cas de la nielle des blés est particulier puisque sa présence rend les récoltes impropres à la consommation. Cette situation n’est pas générale, et il existe de nombreux intérêts à préserver les messicoles. Ces dernières peuvent être bénéfiques pour la production de céréales. Par exemple, dans le cas de pratiques de cultures agro-écologiques, les messicoles peuvent être un appui aux auxiliaires, en participant à la pollinisation de manière indirecte.

Comment reconnaître la nielle des blés ?

C’est une espèce rare, en régression à l’échelle nationale et protégée par des arrêtés dans certaines régions (Limousin, Alsace) depuis les années 1990 en France. Si vous avez le bonheur de l’apercevoir, vous allez pouvoir observer attentivement ses différentes caractéristiques botaniques. Alors, pour vous aider à la repérer, voici quelques indices sur cette grande plante mesurant de 30 cm à 1m  :

  • Feuilles : elles sont opposées sur la tige. Les feuilles sont lancéolées à poils durs.
  • Fleurs : elles sont solitaires et d’une couleur rouge rose violacé. Les sépales sont fins et pointus, et dépassent largement les 5 pétales, ce qui leur donne une forme de tube.
  • Fruits : le fruit est une grosse capsule ovoïde qui s’ouvre par 5 valves à maturité. Il peut renfermer jusqu’à 40 graines. 

Ouvrez grand les yeux lors de vos balades et partez à la découverte de la nielle des blés,  cette plante messicole devenue si rare. 

Est-ce que la nielle des blés est toxique ?

Nielle des blés, Agrostemma Githago
Nielle des blés, Agrostemma Githago

Ma réponse ne laisse pas de place au doute : oui, la nielle des blés est toxique. Ce sont les graines qui ont le plus de toxicité car elles possèdent des principes actifs qui peuvent être nocifs à haute dose pour l’organisme. Que ce soit chez les animaux (ovins, chiens, chats, chevaux, etc.) ou chez les humains, la nielle des blés a été responsable de nombreuses intoxications alimentaires graves, et parfois mortelles

Comme nous l’avons vu précédemment, ces épisodes malheureux sont arrivés avec la consommation de pain, dont la farine a été réalisée avec du blé et des graines de nielle qui s’étaient glissées dans les cultures. Malgré les risques d’empoisonnement, la nielle des blés fut utilisée en médecine traditionnelle contre certaines maladies de peau. 

Vous vous demandez pourquoi l’on parle de plantes toxiques sur un site consacré aux plantes comestibles et médicinales ? Car il est essentiel d’être bien renseigné sur les espèces végétales sauvages en général, et d’être extrêmement vigilant sur leurs effets. Certaines sont bonnes pour la santé et agréables à cuisiner, d’autres peuvent nous rendre malade, voire pire. C’est pour cette raison qu’il est important de se former et de ne pas agir trop rapidement en cueillant des plantes dans la nature. Avec la découverte de la nielle des blés, cette plante messicole rare, je souhaite vous montrer que toutes les plantes ne sont pas inoffensives. Mais, cela n’enlève en rien leur beauté et leur rôle important pour la biodiversité.

Lexique botanique

Auxiliaires : organismes vivants introduits dans des cultures contaminées par d’autres organismes dont ils sont des prédateurs naturels. Ces auxiliaires de culture sont lâchés par l’homme pour débarrasser les plantes des indésirables, mais aussi pour polliniser les fleurs ou améliorer les sols. Cette pratique est appelée « lutte intégrée » ou « lutte biologique ».

Sources

2 réflexions sur “La nielle des blés, une plante messicole rare”

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