Une inflorescence en ombelle d'angélique des bois

Angéliques : savoir les reconnaître et les utiliser

En France, lorsque l’on s’intéresse aux angéliques, deux espèces arrivent dans nos recherches : l’angélique des bois et l’angélique officinale. La première pousse naturellement dans les milieux humides, en lisière de forêt, près des cours d’eau et en sous-bois. L’angélique officinale, elle, ne se trouve que cultivée. Elle est produite en France pour la confiserie de ses pétioles et plus connue pour ses propriétés médicinales. Les deux angéliques ont des propriétés très intéressantes et proches : elles sont notamment réputées pour accompagner l’anxiété et la digestion. L’angélique officinale est considérée comme une panacée (un remède universel à de nombreux problèmes) en Europe du Nord et de l’Est. Découvrons tout l’univers des angéliques à travers cet article.

Vue d'un plant de A. sylvestris, l'angélique des bois
Angélique des bois – Angelica sylvestris

Quelles angéliques trouve-t-on en France ?

On compte aujourd’hui environ 60 espèces médicinales dans le genre Angelica. Deux espèces sont présentes en France à l’état sauvage :

– l’angélique des bois, Angelica sylvestris est commune dans toute la France (mais rare dans le midi)

– l’angélique de razouls, Angelica razulii, est endémique des Pyrénées. Nous ne parlerons pas de cette espèce, absente de notre région et très peu documentée en termes d’utilisations et de propriétés.

La plus connue de toutes est absente chez nous: l’angélique chinoise, Angelica sinensis, qui est une plante majeure de la médecine chinoise traditionnelle.

Angélique officinale - A. archangelica avec jeunes fruits
Angélique officinale – A. archangelica avec jeunes fruits - Crédit photo: Terre d'Alchimie

L’angélique officinale

L’angélique officinale, Angelica archangelica n’est pas présente à l’état sauvage mais elle est cultivée en France. Native de Norvège, Suède, Islande, Groenland, des îles Féroé, Finlande, Russie, et de l’Est de l’Europe continentale, elle est utilisée pour ses qualités en confiserie, principalement dans la région de Niort. C’est aussi la variété la plus utilisée pour la phytothérapie en Europe. Elle était traditionnellement considérée comme une panacée (sa racine était principalement utilisée). Elle a de nombreux surnoms tels que : angélique archangélique, herbe aux anges, ou encore, racine du St Esprit.

Bien qu’inscrite à la pharmacopée Européenne, l’angélique officinale est aujourd’hui tombée dans l’oubli en termes d’usage médicinal en France : il n’en existe pas de référence pharmaceutique.

L’angélique des bois

L’angélique des bois est répertoriée dans toute l’Europe, en Russie et dans le nord-est des Etats-Unis.

Dans cet article nous nous concentrerons sur les deux variétés que l’on peut trouver le plus facilement en France, A. sylvestris et A. archangelica. Pour plus de clarté, nous utiliserons leurs noms communs: l’angélique des bois et l’angélique officinale. Ces deux espèces sont entièrement comestibles. L’angélique des bois a une amertume très marquée, nous verrons comment l’adoucir dans nos préparations culinaires, et l’angélique officinale est relativement plus douce.

Dans son ouvrage « Divine Angélique », Bernard Bertrand estime que l’angélique des bois aurait les mêmes propriétés que l’angélique officinale, simplement moins concentrée en principes actifs. Une étude réalisée sur le genre Angelica confirme que l’angélique des bois est moins utilisée que l’angélique officinale car elle est perçue comme moins active d’un point de vue pharmacologique. Une analyse comparative des graines des deux espèces confirme la présence des mêmes coumarines, qui sont des molécules ayant une action sur la sphère digestive. On peut considérer que les deux espèces peuvent être utilisées de la même façon pour traiter les problèmes digestifs.

L’angélique, une plante de la famille des apiacées

Reconnaître la famille des apiacées

Les fleurs et les fruits

Les angéliques appartiennent à la famille botanique des apiacées. Cette famille est aisément reconnaissable : elle présente une inflorescence en ombelle, le plus souvent composée (voir schéma). Une ombelle : toutes les tiges  qui portent une fleur (pédicelles ) ont leur point de départ au même endroit, un peu comme les baleines d’un parapluie. Une ombelle composée est une ombelle formée d’ombelles plus petites appelées ombellules.

Schéma d'une ombelle composée: les pédicelles se divisent en formant des ombellules portant les fleurs.
Schéma d’une ombelle composée
Une inflorescence en ombelle d'angélique des bois
Une inflorescence en ombelle d’angélique des bois

La fleur est de type 5 dialypétale, c’est à dire avec le plus souvent :

–  5 pétales qui se détachent du calice. Le calice étant l’ensemble des sépales.

– un calice à 5 sépales (qui peut parfois être absent).

5 étamines 

Schéma en coupe de fleurs: ovaire supère, ovaire infère
Schéma en coupe de fleurs : ovaire supère, ovaire infère

L’ovaire est infère (c’est à dire qu’on le trouve au-dessous des pétales et des sépales de la fleur, comme présenté sur le schéma en coupe de fleurs).

– Au sommet de la fleur on trouve un disque nectarifère (appelé aussi stylopode) (visible sur la photo qui suit).

Le fruit est un diakène (= deux akènes = fruit sec qui ne s’ouvre pas à maturité et qui contient une graine). Il est utile de le regarder pour la détermination botanique de certaines espèces.

Fleurs blanches d'angélique des bois avec stylopodes
Fleurs blanches d’angélique des bois avec stylopodes
Fruits (diakènes) de l'angélique des bois
Fruits matures d’angélique des bois

Les feuilles

A de rares exceptions près, les feuilles sont alternes. Cela veut dire qu’elles sont insérées en alternance sur la tige principale, par opposition à des feuilles insérées l’une en face de l’autre sur la tige principale. Ces feuilles sont composées (c’est à dire qu’une feuille se ramifie une ou plusieurs fois et se compose de petites « feuilles » secondaires appelées folioles). Elles sont rattachées à la tige par une gaine développée.

Photo d'une tige d'angélique des bois d'où partent des feuilles alternes rattachées à la tige par une gaine développée.
Insertion de feuilles alternes sur la tige d’une angélique des bois avec une gaine développée
Zone d'insertion d'une feuille sur la tige avec une gaine développée
Gaine développée d’une angélique des bois au niveau de l’insertion de la feuille sur la tige
Une feuille composée d'angélique des bois
Une feuille composée d’angélique des bois

Comment identifier l’angélique des bois et l’angélique officinale ?

Leurs points communs

Les deux espèces se ressemblent beaucoup d’un point de vue botanique:

  • Elles peuvent toutes les deux atteindre 2 mètres de haut.
  • Elles sont bisannuelles (voire trisannuelles), c’est à dire que la plante se développe pendant 2 (ou 3) ans avant de fleurir. Elle grandit, fait des feuilles et fleurit au bout de deux ou trois ans. Ensuite elle donne ses fruits, puis meurt (on appelle cela une plante monocarpique).
  • Les feuilles sont doublement voire triplement découpées symétriquement à la nervure centrale, avec de grandes folioles ovales-lancéolées dentées. Le départ des rameaux et des feuilles est enserré par de volumineuses gaines foliaires.
  • L’inflorescence est une ombelle composée fleurie : elle forme une demi-sphère constituée de boules de petites ombellules.

Alors, comment les différencier ?

Voici quelques caractéristiques qui vous permettrons de différencier l’angélique des bois et l’angélique archangélique :

  • Les fleurs de l’angélique des bois Angelica sylvestris sont blanches ou rosées et la plante est glabre (c’est à dire sans poil). Les pétioles présentent une gouttière.
  • Les fleurs de l‘angélique officinale Angelica archangelica sont généralement vertes. Les feuilles sont poilues sur la face inférieure. La section des pétioles est ronde. Son odeur est plus prononcée que l’angélique des bois, ce qui est certainement dû à sa concentration plus forte en principes aromatiques.

Les feuilles

Angélique officinale: feuille présentant un segment terminal à trois lobes
Feuille d’angélique cultivée avec segment terminal trilobé – Crédit photo: Terre d’Alchimie
Feuille d'angélique des bois avec segment terminal nettement séparé des autres
Feuille d’angélique des bois avec segment terminal nettement séparé des autres

Les pétioles

Pétiole rond d'angélique officinale
Pétiole rond sur l’angélique officinale
Pétiole en gouttière sur angélique des bois
Pétiole en gouttière sur l’angélique des bois

Les fleurs

Fleurs vertes et boutons floraux d'angélique officinale
Fleurs vertes et boutons floraux d’angélique officinale
Fleurs blanches et boutons floraux d'angélique des bois
Fleurs blanches et boutons floraux d’angélique des bois

Attention! En botanique des variations sont possibles. C’est pourquoi on prend toujours le temps de comparer plusieurs plants pour vérifier que ce qui est décrit est bien le plus souvent représenté.

Jeunes pousses d'angélique officinale avec pétioles en gouttière
Exception botanique: jeunes pousses d’angélique officinale avec pétioles en gouttière – Crédit photo: Terre d’Alchimie

Voici l’exemple d’une jeune pousse d’angélique officinale: le pétiole des feuilles présente une gouttière, alors qu’il n’en possède généralement pas. C’est un élément qui permet pourtant le plus souvent de la différencier de l’angélique des bois.

En France l’angélique officinale n’est pas présente à l’état sauvage mais seulement cultivée. On a donc peu de chance de la rencontrer dans la nature.

Angelica archangelica et Angelica sylvestris peuvent être utilisées pour traiter les mêmes problématiques. 

Aucune de ces plantes n’est toxique aux doses indiquées (Voir paragraphe : Comment utiliser concrètement cette plante après récolte ? pour plus d’informations).

Les confusions possibles avec d’autres apiacées

Les confusions possibles avec d’autres plantes de la famille des apiacées

La famille des apiacées inclut aussi des plantes toxiques comme la petite et la grande cigüe. Il est essentiel de bien identifier la plante avant de la cueillir pour éviter tout risque d’intoxication.

Le tableau suivant téléchargeable propose une liste comparative (non exhaustive) de plantes qui peuvent être confondues avec les angéliques et leurs principales caractéristiques :

La cueillette

Lors de la cueillette on respecte les règles élémentaires de base : pas de cueillette sur une station où la plante est rare, nous laissons au minimum 2/3 des pieds, nous ne cueillons que ce dont nous avons besoin, et nous gardons en tête que si nous arrachons un plant entier, il meurt et ne pourra pas se reproduire. Pour éviter cela lorsque nous ne prélevons pas la racine, on se munit d’un couteau ou bien d’un sécateur. L’angélique peut pousser dans les ruisseaux et même sans la présence de terre. On fait attention car elle s’arrache très facilement dans ce cas-là.

On récolte la racine dès l’automne de la première année, et la tige au printemps de l’année suivant le semis. Les feuilles peuvent être récoltées avant l’apparition des fleurs.

Logo irritant

L’angélique des bois et l’angélique officinale contiennent des furanocoumarines photosensibilisantes (voir l’article détaillé sur la photosensibilisation ici) et qui sont présentes dans ses tiges, pétioles et racines principalement. Pour toute cueillette on utilisera donc des gants.

L’angélique est difficile à faire germer : 3 semaines après maturation de la semence, la faculté germinative a chuté de 50%. Au bout d’un mois, les chances de réussite sont donc déjà très réduites.

Les usages de l’angélique

Les informations qui suivent concernent la santé par les plantes. Dans tous les cas si vous présentez des symptômes, consultez un médecin.

Les usages traditionnels : entre alimentation, digestion et protection

Cultivée pour l’alimentation

L’angélique officinale serait l’un des plus anciens légumes cultivés en Atlantique Nord (Groenland, Islande, Iles Féroé), dès le IXe siècle chez les Vikings. Elle a été un objet de commerce important. Un recueil de lois islandais en vigueur entre le Xe et le XIIIe siècle mentionne que le vol d’Angélique dans les jardins était passible d’une amende ! Aux îles Féroés, Islande et en Norvège, elle était cultivée comme légume (tige) jusqu’à la seconde guerre mondiale.

De nos jours l’angélique est un ingrédient qui compose la Bénédictine ou encore la Chartreuse.

Les usages traditionnels: en tant que digestif

Au XVIIe siècle le médecin et herboriste anglais Nicholas Culpeper parle de l’usage des tiges et des racines macérées dans du vinaigre comme un remède anti-infectieux et réchauffant pour l’estomac, ou encore de la poudre de racine en cataplasme contre les morsures de chien enragé ou tout animal venimeux.

L’angélique officinale, un remède contre la peste

Paracelse rapporte son usage contre la peste. Les médecins portaient la racine en pendentif et la mâchaient régulièrement pour s’en prémunir. Cultivée au Moyen-Age dans les monastères, on l’appelait « Racine du St-Esprit ».

On trouve l’Angélique dans certaines recettes du vinaigre des 4 voleurs, préparation antiseptique qui aurait permis à 4 voleurs de survivre au contact de la maladie lors d’une épidémie de peste à Toulouse, au XVIIe siècle, en détroussant des cadavres.

En Norvège la plante a longtemps été considérée comme magique par les paysans qui mâchaient ou fumaient sa racine séchée, et l’utilisaient comme symbole de fertilité dans les rituels lors des mariages.

Quelques références documentaires supplémentaires

Pour l’angélique des bois

Une étude réalisée sur les espèces du genre Angelica reporte les propriétés et usages traditionnels suivants pour l’angélique des bois : abcès, maux de tête, cancer de la langue, digestion (carminative: chasse les gaz intestinaux), sudorifique (qui fait transpirer), en cas de grippe, de rhumatismes, contre l’asthme, le rhume, la goutte, la toux, l’épilepsie, comme antispasmodique et tonique, etc. et consommée comme légume, pour aromatiser les plats, la racine et les pétioles comme bonbons et friandises. Une décoction est traditionnellement utilisée pour traiter le catarrhe bronchique (bronchite), la toux et la dyspepsie (troubles digestifs associés à des ballonnements).

Pour l’angélique officinale

Dans le British dictionary of trade de 1810, on lui décrit ces usages : stomachique (qui facilite la digestion au niveau de l’estomac), réchauffante, tonifiante, efficace contre les fortes fièvres, les maladies contagieuses, et contre la peste.

Le Dr Valnet confirme ces mêmes indications pour l’angélique officinale en ajoutant son usage en cas de contusions (en externe) et mentionne également des propriétés emménagogues (qui provoque ou régule le cycle menstruel) et immunostimulantes. Ce même auteur indique aussi qu’elle serait un antidote de la belladone, de la cigüe et du colchique. Il la présente comme étant l’une des plantes les plus précieuses.

M. Dubray mentionne l’usage de la graine pulvérisée contre les poux, la racine pour l’évacuation du placenta après l’accouchement, pour traiter les troubles gastro-intestinaux infantiles (utilisé par les pédiatres allemands).

Et la science dans tout ça ?

Les publications scientifiques étudient souvent une molécule à la fois, en observant ses effets sur un symptôme dans le but de proposer des médicaments à base de cette molécule. Une plante contient des centaines de molécules potentiellement actives, en interactions complexes les unes avec les autres ainsi que dans notre organisme lorsque nous les ingérons. Une étude de ces multiples interactions n’est pas possible en laboratoire, c’est pour cela qu’on isole une seule molécule pour en étudier les effets dans différents environnements. Dans cette vision il est plus facile de parler d’une molécule que d’une plante car cela permet de produire des produits pharmaceutiques stables et dosés uniformément pour tout le monde.

En revanche, les herboristes se concentrent sur le totum de la plante ou de la partie récoltée, c’est à dire qui comprend l’ensemble des constituants de la plante, et se fient aux usages traditionnels validés dans le temps. Ces usages sont le plus souvent issus des écrits de médecins et herboristes célèbres des siècles passés ainsi que par la transmission familiale. Cette vision peut sembler mystérieuse pour les débutants et peut séduire par son apparence « magique », mais elle est maîtrisée par les utilisateurs expérimentés et peut être dangereuse pour ceux qui tentent de jouer les apprentis sorciers.

Les deux visions traditionnelle et scientifique sont complémentaires. De nombreux usages traditionnels de l’angélique ont été validés par des études des molécules chimiques de la plante. En résumé, lorsqu’on souhaite expérimenter la phytothérapie sans danger on se concentre sur ce qui est validé et maîtrisé.

Les usages validés par la science, 3 axes principaux : digestif, nerveux et respiratoire

Une grande partie des propriétés des angéliques est liée à la présence de nombreuses coumarines, des composés acétylés, des chalcones et des polysaccharides.

Les graines d’angélique officinale contiennent des essences et des coumarines, les racines contiennent des composés amers, des résines, des tanins, des acides angéliques, des essences et des furanocoumarines.

L’axe digestif :

M. Dubray rapporte une action stomachique (qui facilite la digestion au niveau de l’estomac) des phellandrènes, que l’on trouve dans les graines de la plante, et dans l’huile essentielle issue des racines mais surtout des semences. Comme pour toutes les apiacées comestibles médicinales, ses graines ont des propriétés carminatives (chassent les gaz intestinaux).

« En France, la Note explicative de l’(ex)-Agence du médicament (1998) admet qu’il est possible de revendiquer, pour le fruit et la souche radicante d’angélique, les indications thérapeutiques suivantes : traditionnellement utilisé 1° dans le traitement symptomatique de troubles digestifs tels que le ballonnement épigastrique, lenteur à la digestion, éructations, flatulence ; 2° comme traitement adjuvant de la composante douloureuse des troubles fonctionnels digestifs. » J. Bruneton

En Allemagne, la Commission E considère que la racine peut être utilisée pour les indications suivantes : perte d’appétit, spasmes modérés du tractus gastro-intestinal, flatulences.

L’angélique officinale a été testé en mélange avec le chardon marie et la chélidoine et a montré une activité chez le rat contre les ulcères gastriques.

L’axe nerveux :

L’archangélicine, une coumarine présente dans l’angélique officinale, a montré un effet contre l’arythmie cardiaque. L’angélique des bois peut aussi être utilisée comme sédatif et anti-arythmie (irrégularité du rythme cardiaque).

Selon des études cliniques, l’impératorine (une furanocoumarine) contenue dans la racine est un anxiolytique favorisant la mémorisation.

La racine séchée de l’angélique officinale contient de l’angélicine et de la bergaptène qui sont 2 furanocoumarines. En laboratoire, on a observé une activité antidépressive de ces furanocoumarines sur des souris.

L’axe respiratoire :

L’usage des feuilles séchées en tisane est documenté pour ses effets dans le traitement des affections bronchiques et de l’asthme.

Précautions d’emploi de la plante ou d’extraits de la plante, valable pour A. archangelica (et probable pour A. sylvestris) :

Une surconsommation de la plante pourrait exposer à un risque de dermite solaire (réaction inflammatoire de la peau suite à une exposition au soleil) dûe à la présence de furanocoumarines, qui sont des molécules photosensibilisantes. Ce risque disparaît en tisane : les furanocoumarines sont peu hydrosolubles. Ils disparaissent également au séchage de la plante. Il vaut mieux éviter de consommer la racine (surtout crue) de manière répétée si on est sous traitement anti-coagulant.

Quels usages en huile essentielle ?

Lorsqu’on ne connaît pas bien les huiles essentielles, on demande l’avis d’un thérapeute avant toute utilisation car leur prise en main n’est pas anodine, elles sont très très puissantes ! Dans le cas de l’huile essentielle de racine d’angélique, on préfèrera la voie olfactive diluée à 15% maximum avec d’autres huiles essentielles, ou bien cutanée, diluée à 20% dans de l’huile végétale.

L’huile essentielle des racines

L’huile essentielle issue des racines de l’angélique officinale est indiquée par P. Franchomme et M. Faucon principalement pour le traitement de l’entérocolite spasmodique (trouble du transit lié à une infection de l’intestin grêle ou du côlon), l’anxiété, la fatigue nerveuse, les troubles du sommeil et du réveil. Selon des évaluations cliniques, elle est spasmolytique (supprime les spasmes) et antibactérienne (J. Bruneton). Des études en laboratoire reconnaissent des effets anti-inflammatoires et analgésiques (qui diminuent la sensibilité à la douleur) variés (goutte, rhumatismes, asthme, affections pulmonaires etc) qui sont toujours en cours d’investigations.

L’huile essentielle des graines

L’huile essentielle issue de ses semences est indiquée à faible dose par P. Franchomme dans les cas de dyspepsie (troubles digestifs associés à des ballonnements) et de colites (inflammations du côlon). Il rapporte ainsi que M. Faucon des propriétés toniques, excitantes et carminatives à faible dose alors qu’elle devient sédative à dose plus élevée. Il est possible de l’utiliser contre les addictions (selon F. Couic-Marinier).

L’usage de l’huile essentielle issue des racines se concentre sur la sphère psycho-émotionnelle tandis que l’huile essentielle issue des semences est plutôt utilisée sur la sphère digestive.

On notera que l’utilisation d’huile essentielle n’est pas anodine, c’est un produit concentré donc très actif et précieux, qui peut être dangereux. De manière générale, il est important d’être conscient qu’une huile essentielle nécessite de gros volumes de plantes (et donc de grandes surfaces cultivées ou sauvages) ainsi que beaucoup d’énergie pour produire quelques mL. On l’utilisera uniquement en cas de besoin réel, de manière très ciblée, et sur des périodes limitées.

Composition des huiles essentielles

Voici un exemple de monographies d’huiles essentielles issues des semences et des racines d’angélique officinale d’un même producteur. Elles nous ont été généreusement fournies par le producteur et distillateur Terre d’Alchimie en Haute-Loire (voir son site: https://www.terredalchimie.com/)

Huile essentielle d'angélique officinale
Huile essentielle d’angélique officinale
Monographie d'une huile essentielle de racine d'angélique
Monographie d’une huile essentielle de racine d’angélique (Terre d’Alchimie)
Monographie d'une huile essentielle de semences d'angélique
Monographie d’une huile essentielle de semences d’angélique (Terre d’Alchimie)

En comparant ces monographies on remarque que ces huiles essentielles sont principalement composées de b-phellandrène (un terpénoïde) et d’a-pinène (un monoterpène), l’huile essentielle issue des semences étant majoritairement composée de b-phellandrène (ici 65%) alors que l’huile essentielle issue des racines est composée de plusieurs molécules en proportions homogènes, dont l’a-pinène (17%) et le b-phellandrène (13%). De manière générale, connaître la monographie de l’huile essentielle est important car les composés extraits peuvent varier selon les parties de la plante, les sous-espèces qui ne sont pas toujours précisées, le type de sol, ou encore l’origine géographique. Cela peut fortement influer sur les propriétés de ces huiles essentielles.

Les précautions d’emploi des huiles essentielles de l’angélique officinale

Ces huiles essentielles sont à éviter chez la femme enceinte (car abortives) ou allaitante et l’enfant de moins de 6 ans, les personnes hémophiles ou sous traitement anti-coagulant (les furanocoumarines de la plante sont proches de ces molécules, les racines sont les plus susceptibles de provoquer ces interactions), dans le cas de problèmes rénaux, de cancer. Pour éviter tout risque de phototoxicité, on ne s’expose pas au soleil après application sur la peau et on les utilise toujours diluées dans de l’huile végétale car elles sont irritantes. La racine et son huile essentielle sont contre-indiquées en cas d’ulcère gastrique et duodénal.

Il convient de demander un avis médical pour une utilisation des huiles essentielles chez des personnes asthmatiques ou épileptiques (épileptogène à forte dose: peut provoquer des crises d’épilepsie).

Remarque : on ne trouve pas aujourd’hui d’huile essentielle d’A. sylvestris (l’angélique des bois), dans le commerce, seulement l’huile essentielle d’A. archangelica (l’angélique officinale).

Comment utiliser concrètement cette plante après récolte ?

Après récolte et séchage à l’abri de la lumière, on peut préparer les racines, feuilles ou graines en infusion.

Pour réaliser une infusion, mettre les plantes dans une casserole d’eau froide, à couvert, pour garder les huiles essentielles tout au long de l’infusion. Porter à ébullition et arrêter le feu. Laisser infuser 10 minutes avant de filtrer. On peut conserver la tisane 24h au maximum en la conservant au frais ou dans un thermos.

Utiliser les racines et les semences 

Morceaux de racine séchée d'angélique officinale
Racine séchée d’angélique officinale
Semences d'angélique des bois
Semences d’angélique des bois

Pour un usage thérapeutique J. Valnet préconise les graines ou racines en infusion à 40g/L d’eau par jour, consommée après les repas.

Mais leur goût amer est si prononcé qu’il paraît peu probable de réussir à boire une infusion si concentrée (en tout cas je n’ai pas réussi !). On se limite à 1 à 2 cuillères à café (environ 2g à 5g) par tasse de 250mL, comme le conseille C. Luu.

On peut ajouter d’autres plantes digestives ou calmantes par exemple, selon l’usage souhaité pour adoucir le mélange et avoir une action plus complète tout en ne dépassant pas 30 à 40g par litre et par jour au total.

Utiliser les feuilles

C. Luu conseille la tisane de 2 à 5g de feuilles séchées par tasse de 250mL, 1 à 3 fois par jour.

Comme vu précédemment, on peut considérer que ces propositions sont valables pour l’angélique officinale et l’angélique des bois.

Utiliser l’angélique des bois et l’angélique officinale comme aliment

L’angélique officinale originaire du nord et de l’est de l’Europe est cultivée en France depuis le moyen-âge pour le confisage de ses pétioles, c’est à dire les « côtes » des feuilles. On fait souvent la confusion mais ce ne sont pas les tiges qui sont confites, car elles sont trop fibreuses. Elle est encore cultivée pour cet usage dans la région de Niort. Les fruits et la racine séchée sont consommées comme épice, les jeunes pousses et les pétioles comme un légume, les fleurs pour aromatiser les boissons et les desserts. Les feuilles peuvent être utilisées en salade, ciselées pour aromatiser les plats, cuites comme des épinards, en beignets… Séchées, elles perdraient leurs propriétés médicinales mais peuvent elles aussi aromatiser les plats et se boire en infusion.

Dans certaines recettes, elle entre dans la composition du vinaigre des 4 voleurs. L’huile essentielle de sa racine entre dans la composition de la Chartreuse.

Les recettes qui suivent sont inspirées et librement adaptées du livre « Divine angélique » de B. Bertrand:

L’angélique des bois et l’angélique officinale cuisinées comme légume

Comme c’est une plante bisannuelle, son cycle de reproduction se fait sur 2 ans : la première année tige et feuilles se développent, et elle fleurit au deuxième printemps suivant la germination de sa graine.

On récolte la racine dès l’automne de la première année, et la tige au printemps de l’année suivant le semis. Les feuilles peuvent être récoltées avant l’apparition des fleurs.

L’Angélique peut être cuisinée comme un légume. On utilisera les jeunes pousses tendres et pétioles (côtes) de jeunes feuilles.  Blanchir les jeunes pousses/pétioles d’angélique des bois pendant 30 minutes dans une casserole d’eau avec du sel et du bicarbonate de soude (5g de sel et 1 pincée de bicarbonate par litre d’eau). Le bicarbonate permet de diminuer l’amertume, très marquée dans l’angélique des bois et moins dans l’angélique officinale.

Côtes d'angélique pelées
Côtes d’angélique des bois blanchies et pelées

Bien peler. Faire revenir quelques minutes à la poêle légèrement graissée avec un peu de sel et d’ail. S’associe bien aussi avec des céréales ou des pommes de terre en poêlée.

L’angélique des bois et l’angélique officinale en confiserie

-La cuisson

Blanchir de la même manière que pour la recette précédente. Bien peler.

Mettre la même quantité d’eau que pour le blanchiment dans une casserole et le même poids de sucre que d’eau. On peut rajouter 5% du poids de sucre en miel ou glucose, cela limitera la recristallisation du sirop dans le temps.

Porter à ébullition durant 20 minutes ou jusqu’à atteindre 105°C. Laisser reposer 24h dans la casserole.

-Les bains de sucre

Renouveler l’opération encore 3 jours en portant à ébullition le sirop d’un degré supplémentaire par jour (soit jusqu’à 108°C) ou bien en laissant bouillir 5 minutes chaque jour si vous n’avez pas de thermomètre.

Le 4ème jour, concentrer le sirop pendant 15 minutes (environ 114°C). Cela donne un sirop très épais mais on peut ajuster en réduisant ce dernier temps d’ébullition. Le cinquième jour (ou lorsque le sirop est refroidi), sortir les pétioles et les mettre à égoutter pendant 24h. Conserver dans une boîte hermétique au frigo et utiliser sous un mois (ou bien congeler).

Remarque : cette méthode est valable pour une petite quantité (moins de 500g d’Angélique). Pour de plus grosses quantités il peut être judicieux de s’équiper d’un thermomètre et de rajouter 5 à 10% de sucre par jour (calculé sur la quantité initiale de sucre) pour diminuer les temps d’ébullition nécessaires pour concentrer le sirop.

L’Angélique étant très fibreuse et robuste, on peut la laisser dans la casserole pendant l’ébullition, mais cela ne sera pas le cas pour les plantes plus fragiles.

L’angélique confite était très utilisée par Jules Gouffé, précurseur de la pâtisserie moderne, dont il fait de nombreuses mentions dans son ouvrage « le livre de pâtisserie » édité en 1873.

Côtes d'angélique sauvage confites
Côtes d’angélique sauvage confites

L’angélique confite peut être utilisée au même titre que les fruits secs ou confits pour garnir et décorer les gâteaux.

On pourra conserver le sirop pendant 2 mois au réfrigérateur et l’utiliser pour parfumer les desserts : pancakes, panna cottas, granolas, … ou bien l’utiliser pour faire des liqueurs.

En conclusion

L’angélique des bois et l’angélique officinale sont des plantes très proches d’un point de vue botanique, par leurs propriétés et dans leurs usages culinaires. L’angélique des bois est assez commune dans les sous-bois humides aux abords des cours d’eau, ce qui la rend facilement identifiable. La cueillette de l’angélique doit se faire avec précaution car elle contient des furanocoumarines, des molécules photosensibilisantes. Ce sujet est expliqué en détail dans un autre article:

Pour aller plus loin: les coumarines

Cet article a été rédigé par Aurélie Dodelier dans le cadre d’un stage au sein de l’Echo sauvage

Sources

Monographies

Terre d’Alchimie, Monographie de HE A. archangelica semence, 2018

Terre d’Alchimie, Monographie de HE A. archangelica racine, 2019

Articles de recherche

Sarker, S.D. ; Nahar L. Natural Medicine : The Genus Angelica. Current Medicinal Chemistry, 2004, 11, 1479-1500

Murphy E.M. et al. Coumarins from the seeds of Angelica sylvestris (Apiaceae) and their distribution within the genus Angelica – Biochemical Systematics and Ecology 32, 2004, 203–207

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Ouvrages

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European pharmacopoeia 10.0

Ressources botaniques (paragraphe et tableau botanique)

Tela botanica, eFlore

Covillot J. Clé d’identification illustrée des plantes sauvages de nos régions: Suisse romande et zones limitrophes de la plaine à l’étage alpin – Indications sur leur écologie. 1998, 137

Bertrand B. Divine Angélique, réédition 2008

Ducerf G. Encyclopédie des plantes bio-indicatrices alimentaires et médicinales vol. 1 et 2, 2008/2014

Collectif, Flora Gallica, 2014

ELPM, Cours de botanique, 2021

Thomas R. ; Busti D. ; Maillart M. Petite flore de France, 2018

Observations sur le terrain (Isère, Jura, Finistère, Ile-de-France), 2020-2021

Le chemin de la Nature, vidéos la grande cigüe, elle tue ! 2019 et la petite cigüe, elle tue aussi ! 2020

Dans cet article les photos appartiennent à Aurélie Dodelier sauf mention contraire sous la photo concernée.

4 réflexions sur “Angéliques : savoir les reconnaître et les utiliser”

  1. Bonjour, je viens vous féliciter pour votre article, c’est la 1ere fois que je viens sur votre site. Je suis moi même docteur en sciences agronomiques, et enseignante en Biologie-ecologie-agronomie mais surtout passionnée par les plantes et leurs usages, même si je n’y consacreppas autant de temps que je le voudrais. Et pour en revenir à l’objet de mon message, je suis impressionnée, cet article est plus que complet, étayé de réf biblio, très clair et compréhensible. Un grand bravo à vous et je crois que pour moi, c’est le début d’un grande exploration de vos articles.
    Ps:j’habite dans les Pyrénées et m’éclate à ramasser des plantes pour mes tisanes, macérâts et autre…je vous souhaite une très bonne journée et au plaisir de vous relire.
    Marie

    1. Aurélie Dodelier

      Bonjour, merci beaucoup pour ce retour et pour votre soutien ! En effet l’objectif était de proposer un article aussi complet que possible. Je suis heureuse de lire qu’il est clair, cela m’encourage à continuer dans ce sens 🙂 Je vous souhaite de belles découvertes des plantes comestibles et médicinales !

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